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  • vendredi 31 mars 2023

VEILLE BILBIOGRAPHIQUE DU MOIS DE MARS 2023

Sandra Ly (MAG), Kelati Awatef (ICNI), Cyril Maire (SFLD)

ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

mars 2023

 

Les analyses bibliographiques des groupes MAG (Muqueuses Ano-Génitales), ICNI (Imagerie Cutanée Non Invasive) et SFLD (Société Française des Lasers en Dermatologie)    

Groupe MAG. Traitement par imiquimod des néoplasies intra-épithéliales vulvaires HPV-induites.

 

Résumé :

Les néoplasies intra-épithéliales HPV induites, ou HSIL (High grade Squamous Intra-epithelial Lesion), représentent au moins 80% des néoplasies intra-épithéliales vulvaires. Leur risque invasif est faible, évalué à moins de 10% des cas en l’absence de dermatose inflammatoire sous-jacente. Leur traitement chirurgical ou par laser CO2 est suivi de récidive dans 50% des cas. L’imiquimod une alternative thérapeutique dont l’efficacité a été démontrée versus placebo. Aucune étude randomisée n’avait jusqu’alors comparé le traitement par imiquimod au traitement instrumental par chirurgie ou laser CO2.

Trutnovsky et al. [1] ont mené une étude de non infériorité multicentrique et randomisée, comparant l’imiquimod (IMQ) au traitement instrumental (CHIR) par laser et/ou exérèse chirurgicale, chez des patientes atteintes d’HSIL vulvaires (HSILv). Le critère de jugement principal était l’obtention d’une réponse clinique complète à 6 mois.

Cent-dix femmes adultes, ni immunodéprimées, ni enceintes ou allaitantes, ont été incluses entre juin 2013 et janvier 2020. Elles présentaient une HSIL vulvaire monofocale dans 78% des cas et multifocale dans 22% des cas.  Elles étaient randomisées pour être traitées soit par IMQ (auto-application, 3 fois/semaine pendant 4 à 6 mois), soit par une session instrumentale (vaporisation laser, exérèse chirurgicale ou les deux combinées). L’évaluation par les investigateurs, à 6 et 12 mois, était clinique (vulvoscopie), histologique (biopsie) et virologique (test HPV) ; la morbidité psychosexuelle était évaluée par les patientes. Au final, 107 patientes ont été évaluées : 54 dans le groupe IMQ et 53 dans le groupe CHIR. Quatre-vingt pour cent des patientes du groupe IMQ avaient une réponse clinique complète, versus 79% pour le groupe CHIR, ce qui démontre la non-infériorité de l’imiquimod par rapport à la chirurgie/laser CO2 dans le traitement de première intention des HSIL vulvaires. Le prurit et l’érythème étaient les effets indésirables rapportés dans le groupe IMQ, la douleur dans le groupe CHIR. Il n’existait aucune différence significative entre les deux groupes concernant la clairance de l’HPV, la qualité de vie et la satisfaction du traitement. Une évolution invasive était mise en évidence dans 4 cas traités chirurgicalement, contre aucun parmi ceux traités par imiquimod.

 

Commentaire :

L’imiquimod est largement prescrit depuis plusieurs années, hors AMM rappelons-le, dans le traitement de première intention des HSILv. Cette étude renforce le bien-fondé de cette attitude thérapeutique, en démontrant sa non-infériorité par rapport à la chirurgie /laser CO2 et en confirmant sa grande efficacité. Le « protocole IMQ » proposé par les auteurs nous semble être à retenir : augmentation progressive de la fréquence d’application, jusqu’à 3 fois/semaine et durée prolongée du traitement de 16 à 24 semaines.

Une des principales limites de l’étude est l’inclusion majoritaire de formes monofocales d’HSILv, alors que les formes multifocales sont de loin les plus fréquentes en pratique [2]. La chirurgie est alors bien plus délabrante, avec un retentissement négatif sur la qualité de vie et la fonction sexuelle que l’on peut supposer supérieur à celui de l’imiquimod. Argument supplémentaire en faveur du traitement conservateur !

Sandra Ly

Références :

1- Trutnovsky G, Reich O, Joura EA et al. : Topical imiquimod versus surgery for vulvar intraepithelial neoplasia : a multicenter, randomised, phase 3, non-inferiority trial. Lancet 2022 ; 399 :1790-98.

2- Voss FO, van Beurden M, Jordanova ES. : Topical imiquimod as first-line treatment for vulvar intraepithelial neoplasia. Lancet 2022 ; 399 : 1755-57.

Groupe ICNI. Corrélations cliniques, dermoscopiques, échographiques et histologiques dans les lésions de sarcome de Kaposi et leurs diagnostics différentiels : étude prospective monocentrique

 

Résumé :

Introduction : Le sarcome de Kaposi (SK) est une néoplasie angioproliférative qui se présente généralement sous la forme de placards, de plaques et/ou de nodules angiomateux. La dermoscopie et l’échographie cutanée ont été suggérées comme une aide au diagnostic de SK, mais il y a peu de preuves dans la littérature, surtout en ce qui concerne les diagnostics différentiels possibles.

Objectifs de l’étude : Décrire et comparer les caractéristiques cliniques, dermoscopiques et échographiques des lésions de SK et de lésions similaires (diagnostics différentiels).

Matériels et méthodes : étude prospective de 25 patients adressés pour la première fois pour des lésions pouvant évoquer un SK.

Résultats : 41 lésions cutanées ont été examinées. Toutes ont été analysées en dermoscopie, en échographie cutanée et en anatomopathologie. Trente-deux lésions correspondaient à un SK, tandis que les 9 autres correspondaient à des diagnostics différentiels présentant une ressemblance clinique avec le SK. En dermoscopie, une pigmentation rouge-violacée pourpre, une surface squameuse et le signe de la collerette étaient les signes les plus souvent présents dans les lésions de SK (81,3 %, 46,9 % et 28,1 % des cas respectivement). Concernant l’aspect échographique, les 9 plaques et les 21 nodules de SK présentaient une image hypoéchogène dont l’épaisseur échographique augmentait avec la taille des lésions. Les aspects en dermoscopiques et échographiques des diagnostics différentiels, tels qu’angiome rubis, lac veineux, tumeur glomique, botriomycome ou angiosarcome, ont également été analysés.

Conclusions : La dermoscopie et l’échographie cutanée peuvent être utiles pour mieux évaluer les caractéristiques des lésions de SK, et écarter les diagnostics différentiels.

 

Commentaire :

Le diagnostic positif du sarcome de Kaposi (SK) repose sur l’histologie. L’intérêt de l’imagerie cutanée réside d’abord dans l’orientation diagnostique pour les cas douteux, mais elle peut aussi être utile pour le choix et la surveillance des traitements.

Cette étude est intéressante car elle a permis d’établir une corrélation entre deux techniques d’imagerie cutanée et l’histologie de cette tumeur vasculaire. En dermoscopie, le patron « en arc en ciel », fréquemment décrit dans la littérature, était présent dans seulement 25 % des lésions de SK (la plupart nodulaires), mais jamais observé dans les diagnostics différentiels. Ainsi, sa présence semble un bon argument diagnostique de SK. En échographie cutanée et Doppler, cette étude a établi une description échographique en fonction du type de lésion clinique du SK, en tenant compte de sa traduction histologique. Cette corrélation a plus d’intérêt dans la caractérisation des lésions nodulaires profondes.

Kelati Awatef

 

Référence : Tourlaki A, Nazzaro G, Wei Y, Buffon S, Mattioli MA, Marzano AV, Brambilla L. Clinical, Dermoscopic, Ultrasonographic, and Histopathologic Correlations in Kaposi’s Sarcoma Lesions and Their Differential Diagnoses: A Single-Center Prospective Study.J Clin Med. 2023 Jan; 12(1): 278. doi: 10.3390/jcm12010278

SFLD. Efficacité du laser à colorant pulsé dans l’acné : revue systématique et méta-analyse.

Résumé

Abstract :

Des études antérieures ont montré que le laser à colorant pulsé (LCP) est intéressant pour le traitement de l’acné ; cependant, les résultats sont contradictoires.

L’objectif de cette étude est de déterminer l’efficacité du LCP dans le traitement de l’acné vulgaire.

Une revue systématique et une méta-analyse des études publiées avant le 31 mars 2020 ont été réalisées. Des essais contrôlés randomisés et des séries de cas ont été analysés. La méta-analyse a estimé la différence moyenne standardisée (SMD) dans les changements du score de sévérité de l’acné chez les patients traités par LCP par rapport au contrôle, ainsi que la SMD des changements des scores de sévérité de l’acné et du nombre de comédons avant et après le traitement par LCP.

Onze études ont été incluses dans cette revue systématique. Six études ont été incluses dans la méta-analyse. Le traitement au laser à colorant pulsé ne s’est pas avéré supérieur au groupe témoin dans le traitement de l’acné vulgaire (SMD : 20,285 ; intervalle de confiance [IC] de 95 %, 20,886 à 0,317). Toutefois, les études à un seul bras ont révélé une amélioration significative du score de gravité de l’acné après traitement  par  LCP  (SMD,  21,321  ;  IC  à  95  %,  22,057  à  20,586),  en  particulier  si traitement de plusieurs séances et si une durée d’impulsion plus longue étaient utilisés. Le nombre de comédons a diminué de manière significative après le LCP (SMD 0,596 ; IC à 95 %, 21,137 à 20,054).

En conclusion, si le  traitement  est  réalisé  en  4  séances  ou  plus  ou  avec  une  durée d’impulsion longue, le LCP pourrait diminuer significativement le score de sévérité de l’acné.

Contexte

La première publication (Seaton et al.) portant sur le traitement de l’acné modérée à sévère de l’adulte par laser à colorant pulsé (LCP) date de 2003. Le mécanisme proposé par les auteurs est le blocage de la formation de l’acné par un processus thermique, photochimique et photo-immunologique. Depuis, les résultats des études sont variables et attribués à des différences de réglages et de nombres de sessions. Il n’y a cependant pas eu de méta-analyse pour savoir si l’efficacité du LCP est réelle.

Matériels et Méthode

Recherche Pubmed, Cochrane et Embase avant le 31 mars 2020. N’ont été inclus à la méta analyse que les essais randomisés contrôlés, les études comparatives et les séries de cas rapportant une efficacité du LCP sur l’acné. Exclusion des études où les patients bénéficiaient d’un autre traitement en parallèle et de celles qui évaluaient l’érythème ou les cicatrices d’acné.

L’objectif primaire était  de  savoir  si  le  LCP  permettait  un  changement  de  score  de sévérité. L’objectif secondaire était d’identifier un éventuel changement dans le score des lésions non-inflammatoires (comédons). La méthodologie d’extraction des données est détaillée et suit un protocole standardisé. Concernant le nombre de sessions : oligosessions (1-2 sessions) et multisessions (3 ou plus). Concernant les durées de pulse, on considérait deux catégories : pulses courts (0,35 msec -1,50 msec) et pulses longs (6-10-40 m sec).

Note personnelle : pas d’étude utilisant 3 msec dans la méta-analyse.

Pour les études contrôlées, une valeur négative indique un effet favorable du LCP sur l’acné. Pour les études en un seul bras ou les séries de cas, une valeur négative indiquait une diminution du score de sévérité ou du compte de comédons. Des sous-groupes étaient réalisés selon la durée de pulse et le nombre de sessions. L’analyse était effectuée selon la différence moyenne standardisée (SMD) en utilisant un intervalle de confiance (IC) de 95%.

Résultats

Caractéristiques des études retenues : sur 328 articles, 11 études (280 patients) sont retenues conformément aux critères d’inclusion et d’exclusion.

Différence moyenne standardisée (SMD) sur le score de sévérité de l’acné entre LCP et groupe contrôle : 3 études sont concernées. Une valeur de SMD négative indique que le traitement par LCP est plus favorable que le contrôle (score -0.285 (95% CI, -0.886 to 0.317; p=0.354; I²=68%).

Note personnelle : on remarque que l’intervalle de confiance comprend 0, ce qui permet de dire que ce résultat n’est pas statistiquement significatif.

Différence moyenne standardisée (SMD) sur le score de sévérité de l’acné avant et après traitement par LCP (sans groupe contrôle) : 6 études sont concernées. Une valeur négative de SMD indique que le score de sévérité de l’acné diminue après traitement par LCP. SMD = -1.321 (95% CI, -2.057 to – 0.586; p<0.001; I²=91%).

Note personnelle : cette fois la différence est statistiquement significative.

Les études en oligosessions ne montrent pas d’amélioration significative, contrairement aux études en multisessions (2 études en 4 sessions et 1 étude en 6 sessions).

Les études avec courte durée de pulse ne montrent pas d’amélioration statistiquement significative, contrairement aux études avec longue durée de pulse. (2 études à 40 msec et 1 étude à 10 msec).

Différence moyenne standardisée (SMD) sur nombre de comédons avant et après traitement par LCP : 4 études sont concernées, dont 2 en oligosessions et 2 en multisessions. La valeur négative du SMD indique une diminution du nombre de comédons après traitement par LCP. SMD = 0.596 (95% CI, -1.137 to -0.054; p = 0.031; I²= 84%).

Note personnelle : la différence est statistiquement significative.

Discussion

Les résultats de la méta-analyse révèlent que 1 à 2 sessions de LCP ne permettent pas d’amélioration par rapport au groupe contrôle. L’absence de reproductibilité statistique de l’étude initiale de Seaton pourrait selon Vries et al. s’expliquer par la nature différente des traitements en termes de machines et de paramètres, notamment de la durée des pulses. D’autres estiment que le nombre de sessions et l’absence de suivi à long terme sont également des explications possibles. La possibilité d’une amélioration spontanée de l’acné est aussi discutée mais celle-ci n’est pas significative pour les études avec durée courte et peu de séances. Il n’y a pas d’étude comparant des sessions multiples de LCP versus groupe contrôle. Les auteurs suggèrent une telle étude pour vérifier les résultats de cette méta-analyse. Sur la base des résultats de cette étude, il est proposé de réaliser au moins 3 sessions de LCP avec des durées de pulse longues (au moins 6 msec) pour obtenir les meilleurs résultats.

Note personnelle : Les auteurs évoquent les mécanismes d’action supposés du LCP sur la physiopathologie de l’acné. Je ne les détaille pas ici.

Limites de l’étude : Faible échantillon car peu d’études correspondant aux critères. Les études poolées comprennent des variations ethniques et régionales avec des différences de sévérité de l’acné. Les paramètres de traitement et la sévérité de l’acné change selon les études. Cependant, l’utilisation des sous-groupes d’analyse diminue les variations inter-études. C’est la première méta-analyse à montrer une preuve significative d’efficacité du LCP sur l’acné vulgaire et la première à proposer une explication aux différences de résultats des études précédentes.

Conclusion

Cette méta-analyse démontre que si on réalise 1 ou 2 sessions, le LCP n’est pas supérieur au contrôle pour traiter l’acné vulgaire. Cependant, quand on réalise 4 sessions et plus, ou si on utilise des durées de pulse longues, le LCP peut diminuer significativement le score de sévérité de l’acné.

Commentaire

Une méta-analyse rigoureuse et pertinente compte tenu de la diversité des résultats et avis sur la question. Personnellement je rencontre des difficultés à savoir si le traitement de l’acné par LCP que je réalise parfois est vraiment utile dans la mesure où je ne l’utilise pas en monothérapie. A la lumière de cette méta-analyse, je pense modifier un peu ma pratique et mes paramètres, et surtout multiplier le nombre de séances.

Cyril Maire

Référence : Yang TH, Li CN, Huang YC.  The Efficacy of Pulsed Dye Laser Treatment for Acne Vulgaris: A Systemic Review and Meta-Analysis. Dermatol Surg 2022 Feb 1;48(2):209-213. doi: 10.1097/DSS.0000000000003345.

 

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