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  • mercredi 16 octobre 2024

VEILLE BIBLIOGRAPHIQUE DU MOIS D’OCTOBRE 2024

Résumé et commentaire rédigés par le Dr Isabelle MOULONGUET pour le Groupe Ongles, groupe thématique de la SFD. Résumé et commentaire rédigés par le Dr Isabelle MOULONGUET pour le Groupe Anatomie Pathologique, groupe thématique de la SFD.

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ACTUALITES BIBLIOGRAPHIQUE DE LA SOCIETE FRANCAISE DE DERMATOLOGIE

Numéro 29 – Octobre 2024

Auteurs : Dr Isabelle MOULONGUET et Coline Jaulent-Darmaisin, Marc Reverte, Antoine Petit, Antoine Bertolotti.

Préambule : La veille bibliographique de la Société Française de Dermatologie a pour vocation d’apporter des nouveautés clinique, physiopathologique, diagnostique et thérapeutique sur l’ensemble des pratiques dermatologiques. Voici une sélection d’articles pour le mois d’Octobre 2024, réalisée par les groupes thématiques de la SFD sur les derniers mois.


Article 1 Onychopapillomes et Syndrome d’inactivation BAP1

Résumé et commentaire rédigés par le Dr Isabelle MOULONGUET pour le Groupe Ongles, groupe thématique de la SFD.

Cet article a étudié, de manière prospective, l’existence d’éventuelles anomalies unguéales dans une cohorte de 47 patients issus de 35 familles avec syndrome d’inactivation de BAP1. 41 parmi ces 47 patients avaient des lésions unguéales à type d’érythronychie, de leuconychie, d’hémorragies filiformes, d’onychoschizie, d’onycholyse distale, de dédoublement unguéal ou d’hyperkératose distale. Dans 39 cas, le diagnostic d’onychopapillome (OP) a été porté cliniquement. Fait intéressant, chez 38 des 39 patients, il s’agissait d’OP multiples, ce qui est exceptionnel en dehors de ce contexte. Ces lésions étaient parfois discrètes et auraient pu ne pas être détectées sans un examen attentif de l’hyponychium à la recherche d’un foyer d’hyperkératose distale. 5 patients ont eu l’exérèse de leur lésion, l’aspect histologique étant en accord avec le diagnostic clinique d’OP. Il faut noter qu’il n’y avait pas de perte d’expression nucléaire de BAP1 en immunohistochimie dans ces lésions d’OP, contrairement au cas de carcinome épidermoïde de l’appareil unguéal précédemment publié ou au sein des mélanocytomes avec inactivation de BAP1.

Les auteurs rappellent l’intérêt du diagnostic précoce du syndrome d’inactivation de BAP1, les patients atteints ayant un risque élevé de tumeurs malignes multiples (avant tout mésothéliome, mélanome uvéal, carcinome rénal, carcinome mammaire). Les tumeurs cutanées associées à ce syndrome (mélanome, carcinome basocellulaire) sont fréquentes dans la population générale n’en permettant pas le dépistage. Le diagnostic histologique de mélanocytome par inactivation de BAP1 peut permettre le diagnostic de cette affection autosomique dominante à forte pénétration mais ces lésions ont souvent un aspect de naevus dermique banal et sont rarement prélevées, en l’absence de suspicion de ce syndrome. Connaissant la rareté des OP multiples, leur présence pourrait être un signe cutané distinctif de cette affection.

Les auteurs rappellent le cas de carcinome épidermoïde de l’appareil unguéal rapporté chez un patient avec syndrome d’inactivation de BAP1 et le cas princeps d’OP malin, en dehors de ce contexte, ayant un aspect clinique d’OP classique. Dans ces 2 observations, les lésions étaient douloureuses, ce qui avait motivé leur exérèse. Ainsi, un carcinome épidermoïde de l’appareil unguéal peut survenir au cours du syndrome avec inactivation de BAP1 et un aspect d’OP typique associé ou non à ce syndrome n’exclut pas la malignité. La surveillance de ces OP est donc nécessaire et en cas de modification clinique, notamment en cas d’apparition de douleurs, une excision de la lésion doit être réalisée pour examen histologique.

Pour les auteurs, la fréquence des OP au cours du syndrome d’inactivation de BAP1, doit inciter à rechercher cette affection, notamment si les lésions sont multiples. Les auteurs utilisent le terme « onychoBAPillomas » pour les dénommer.

Commentaire d’expert :

Cet article est intéressant. On pourrait reprocher le faible nombre de patients issus des 35 familles de cette série mais il s’agissait initialement d’une étude de suivi à long terme d’une cohorte de patients ayant un mésothéliome et des personnes leur étant apparentées, avec entre autres, un screening dermatologique au point de départ et annuellement ensuite. Devant la fréquence des anomalies unguéales découvertes, l’étude a été modifiée au profit d’une évaluation prospective systématique des lésions unguéales de tous les patients porteurs de ce syndrome.

Les OP multiples sont exceptionnels dans la population générale, leur fréquence ici est très surprenante. Leur survenue doit alerter le clinicien et l’inciter à rechercher des antécédents personnels et familiaux de tumeurs malignes associées au syndrome d’inactivation de BAP1 et à discuter une enquête génétique. Il est effectivement capital de dépister ce syndrome précocement. Or, comme le rappellent les auteurs de cet article, les tumeurs cutanées associées au syndrome, tels que carcinomes basocellulaires ou mélanomes, ne peuvent permettre ce dépistage, vu leur fréquence dans la population générale. Le dépistage repose actuellement sur l’étude des membres des familles de patients porteurs de cette affection et sur la découverte histologique de mélanocytomes avec inactivation de BAP1. Or ces mélanocytomes ont un aspect histologique banal et, de plus, peuvent correspondre à une simple mutation sporadique, seulement 10 à 20 % de ces lésions étant syndromiques. Ce pourcentage est cependant bien plus élevé en cas de prolifération jonctionnelle associée à la prolifération intradermique ou en cas de mélanocytomes multiples. La découverte d’OP multiples ou onychoBAPillomes, tels que les appellent les auteurs de l’article, semble être un signe d’alerte qu’il faut connaitre et qui doit faire suspecter ce syndrome. La recherche de ce syndrome chez les patients porteurs d’OP multiples devrait venir préciser ce point.

Article 2 Cocaïne et plasmocytome de la narine

Résumé et commentaire rédigés par le Dr Isabelle MOULONGUET pour le Groupe Anatomie Pathologique, groupe thématique de la SFD.

Les auteurs rapportent l’observation d’un homme de 56 ans consultant pour un épaississement de la lèvre supérieure et de l’orifice narinaire droit évoluant depuis un an (Fig 1). La biopsie met en évidence, sous un épiderme épaissi, un abondant infiltrat composé de polynucléaires neutrophiles en surface et de plasmocytes en profondeur. Il s’y associe de nombreux polynucléaires éosinophiles visibles sur toute la hauteur du derme.

Il est bien connu que la prise de cocaïne peut provoquer une asymétrie des conduits des narines ou une destruction du septum nasal mais le tableau clinique ici présenté est très particulier avec un épaississement chronique des orifices narinaires et de la lèvre supérieure comportant des érosions, cet aspect pouvant, pour les auteurs, faire suspecter d’emblée cette affection. La biopsie cutanée de la lèvre peut facilement confirmer le diagnostic.

Un cas très proche a été rapporté en 2023 (JEADV 2023 ;37 : e244-e245) sous le terme d’atteinte muqueuse péri-orificielle à plasmocytes (Fig 2). Les auteurs de ce 2ème cas expliquent que la lésion débute initialement dans la narine mais, qu’en cas de consommation prolongée de cocaïne, elle s’étend inévitablement à la lèvre supérieure. Ils préfèrent donc le terme de lésion cutanéo-muqueuse induite par la cocaïne à celui initialement proposé.

Cette observation étant publiée dans un journal de dermatopathologie, les auteurs discutent les diagnostics différentiels à évoquer devant cet infiltrat riche en plasmocytes :

– La syphilis bien sûr qu’il s’agisse d’un chancre ou d’une forme secondaire voire tertiaire, on s’aidera de l’étude immunoshistochimique sur coupes par l’anticorps anti-tréponème.

– La chéilite à plasmocytes dont l’étiologie est inconnue, avec des lésions érosives de la lèvre inférieure.

– La macrochéilite de Melkersson-Rosenthal se manifestant sous forme d’épisodes de gonflement de la lèvre inférieure. L’aspect histologique est classiquement granulomateux mais les granulomes peuvent manquer avec un infiltrat riche en plasmocytes.

-Le rhinosclérome dû à klebsiella rhinoscleromatis ou la leishmaniose seront plus faciles à écarter aussi bien cliniquement qu’histologiquement.

Les auteurs suspectent la responsabilité d’un nouvel agent ajouté lors du frelatage de la cocaïne, ces lésions étant décrites depuis peu et ces agents variant beaucoup selon les époques. La richesse en polynucléaires éosinophiles suggère également un processus toxique.

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Fig 1 lésion infiltrée de l’orifice narinaire et de la lèvre supérieure en regard

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Figure 2 lésions infiltrée et exulcérée de la narine et de la lèvre supérieure. JEADV 2023 ;37 : e244-e245

Commentaire :

Cette observation est intéressante, ce tableau bien particulier devant faire rechercher là l’interrogatoire, la prise de cocaïne qui est parfois niée par le patient comme dans le cas présenté par le Dr Katrin Kerl au Club Unna-Darier juin 2024 Munich

Références :

  1. Lebensohn A, Ghafoor A, Bloomquist L, Royer MC, Castelo-Soccio L, Karacki K, Hathaway O, Maglo T, Wagner C, Agra MG, Blakely AM, Schrump DS, Hassan R, Cowen EW. Multiple Onychopapillomas and BAP1 Tumor Predisposition Syndrome. JAMA Dermatol. 2024; 17: e241804.
  2. Fernandez-Flores A, González Montero JM. Cocaine-Induced Plasma Cell Orificial “Dermatomucositis”: A More Accurate Descriptive Term for a Clearly Dermatological Entity. Am J Dermatopathol. 2024 1;46(5):305-308.
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